Publication 4 octobre 2023
Représentations et usages du Métavers
Objectifs
Le développement du marché des expériences immersives questionne la façon dont ces usages sont adoptés dans la société. L’objectif de cette enquête qualitative est de mieux comprendre les usages effectifs ou naissants du Métavers, tout en identifiant les représentations qui y sont associées, à la fois pour des usagers et des experts.
Cette étude vise à :
- Comprendre les usages immersifs : identifier les parcours d’acquisition d’un casque de réalité virtuelle ; caractériser les usages personnels et professionnels du casque ; comprendre la place du Métavers au sein des usages immersifs.
- Saisir les expériences immersives : identifier les effets de l’immersion ; comprendre les impacts de l’immersion sur la fréquence des expériences immersives.
- Proposer un état des lieux : analyser les représentations des usagers (ici, des early adopters) ; offrir une perspective sur le marché des expériences immersives à partir de l’écosystème français.
Acquisition et usages
Le divertissement au centre des usages
Nourris d’imaginaires et de culture techno-numérique, les early adopters ayant répondu à l’enquête ont acquis un casque pour expérimenter ce qui leur semblait préfigurer les usages technologiques à venir. Cet achat complète généralement un parc d’équipements déjà conséquent et répond à la volonté d’être à l’avant-garde, et de disposer des technologies numériques de pointe. L’adoption avant les autres des technologies disponibles fonctionne également comme un outil de distinction sociale.
Les usages des casques sont tournés vers le divertissement et notamment vers la pratique des jeux vidéo. Mis en perspective avec le regard des experts, ces usages posent la question du développement de la réalité virtuelle et notamment sur les enjeux d’institutionnalisation d’un champ professionnel spécifique et attractif face à l’industrie du jeu vidéo.
Nadia, 41 ans
Assistante juridique
Les usages professionnels de la réalité virtuelle
Pour les early adopters rencontrés, l’utilisation de la réalité virtuelle est pour l’heure quasiment absente de leurs milieux professionnels, sauf à l’avoir introduite eux-mêmes.
Pour les experts, on assiste, en revanche, à la construction d’un champ professionnel structuré autour de deux dimensions. D’une part, la progression des usages en vigueur dans le milieu industriel depuis plusieurs décennies. D’autre part, le développement de nouvelles professions, notamment autour du divertissement. On retrouve ici les deux phases de développement classiques dans le numérique : des usages industriels, qui une fois démocratisés, renouvellent des manières de produire et de consommer du divertissement (Bubendorff, 2016), avant une massification (ou non) des usages et des utilisateurs (Mounier, 2002 ; Lévy, 2008).
Au-delà la RV, l’écosystème de la réalité étendue (XR) est en pleine structuration. Et même si les experts et les usagers décrivent cette technologie (ou ensemble de technologies) comme le futur des usages du numérique, son développement concret reste imprécis. Quel mode d’accès aux contenus ? Quel type de monétisation ? Finalement, quels usages ?
Le Métavers, quels usages ?
Pour les usagers, si la réappropriation du terme « Métavers » par Meta a permis de populariser la notion, la difficulté à la définir ne leur permet pas d’y projeter leurs futurs usages. De plus, la publicisation du Métavers ne s’est pas traduite par un développement des usages au sein de l’échantillon. Le Métavers est donc un vocable connu, mais il reste un concept flou pour les early adopters de casques de réalité virtuelle rencontrés dans le cadre de cette étude. Pour certains experts, cette mise en avant du Métavers par Meta a complexifié la compréhension du secteur de la XR, aussi bien par les consommateurs que par les professionnels non spécialistes.
L’immersion
L’immersion : la raison d’être de la réalité virtuelle
Si l’interaction et la tridimensionnalité dans un univers immersif à 360° sont mentionnées comme des dimensions importantes de la réalité virtuelle, c’est bien l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle, en tant qu’équipement permettant d’accéder à des contenus très divers, qui est le dénominateur commun renouvelant l’expérience immersive des individus. Une partie des usagers interrogés accèdent à du contenu 360° (jeux vidéo, par exemple), d’autres visionnent du contenu produit en 360° (documentaires, par exemple), et d’autres encore utilisent leurs casques pour visionner du contenu « à plat » (œuvres fictionnelles « traditionnelles » disponibles sur les plateformes de streaming, par exemple).
Éric, 52 ans
Chef de projet
Cette diversité des usages donne cependant lieu à une certaine uniformité des sensations d’immersion décrites, et d’augmentation de l’expérience. Le casque, parce qu’il permet une déconnexion du réel, semble être clé dans le renouvellement du rapport des usagers interrogés à l’image et au contenu, peut être plus encore que la technologie immersive en elle-même, pour laquelle ce dispositif est conçu.
De nombreuses limites à une utilisation quotidienne
L’immersion en RV, du fait des sensations qu’elle procure et de l’équipement qu’elle nécessite, semble être limitée à des usages ponctuels. Ces limitations identifiées par les usagers rejoignent les préoccupations des experts, qui s’interrogent sur les types ou les régimes d’immersion capables d’entraîner la massification des usages. Pour les usagers, l’avenir de la réalité virtuelle s’incarne plutôt dans des technologies de réalité augmentée, où la donnée numérique se superpose au monde matériel. Les dispositifs d’accès à ce type de technologie sont imaginés comme légers, exempt des désagréments physiques et des inconforts du casque. En somme, comme plus adaptés à la vie quotidienne aussi bien qu’aux activités professionnelles.
La réalité augmentée incarnerait en ce sens le dépassement d’une rupture entre deux mondes, qui permettrait de fluidifier et d’augmenter les usages. Dans les discours des usagers, les applications concrètes de la réalité virtuelle et du Métavers semblent difficiles à imaginer. Les représentations présentes dans les discours se structurent, comme ce fut le cas pour d’autres technologies, autour de deux imaginaires : les usages futurs de la réalité virtuelle et du Métavers sont imaginés soit comme la promesse d’une vie facilitée par l’outil, soit comme l’avènement d’un monde dystopique où les relations humaines sont dévoyées par lui.
Principaux enseignements
#1 Une sensation d’immersion
#2 Un intérêt préexistant pour les technologies
#3 Un usage principalement récréatif
#4 Le Métavers comme continuité de la plateformisation des échanges et des contenus
#5 Les technologies immersives comme l’avenir des usages numériques
#6 La généralisation des usages par la réalité mixte
Cette étude a bénéficié du soutien financier de Meta, obtenu dans le cadre du XR Programs and Research Fund. Cette initiative vise à soutenir la recherche universitaire et indépendante à travers l’Europe autour des questions et opportunités du métavers. À ce titre, Renaissance Numérique est membre du European Metaverse Research Network.