Publication 9 janvier 2019

Hackathon : relever les défis des troubles informationnels à l’ère numérique

Du 12 au 14 novembre, Renaissance Numérique a co-organisé un hackathon sur les troubles informationnels à l’ère numérique, avec l’Agence France Presse (AFP), Savoir*Devenir et l’Internet Society France (ISOC), dans le cadre du Forum sur la Gouvernance de l’Internet (FGI). Retour sur trois jours de travaux intensifs.

Internet est aujourd’hui à la fois un formidable outil de diffusion de l’information et de circulation des idées, mais également le lieu où peuvent s’exprimer les opinions les plus radicales, qui n’avaient jusqu’alors pas accès aux canaux médiatiques traditionnels. Désinformation, prolifération des théories du complot, discours de haine… Ces phénomènes nuisent à la qualité des débats sur Internet et à la stabilité démocratique de nos sociétés. Comment répondre à ces défis ? Quels outils et méthodes peuvent être mis en place pour apaiser le débat en ligne ?

Pour y répondre, Renaissance Numérique, l’AFP, Savoir*Devenir et l’ISOC France se sont associés pour organiser un hackathon autour de trois parcours :

  • Lutte contre les propos haineux sur Internet. Le défi visait notamment à faire évoluer le projet Seriously, une plateforme pour pacifier les débats en ligne, porté par le think tank Renaissance Numérique ;
  • Fausses vidéos et troubles informationnels. Le défi visait notamment une amélioration du projet InVID, un outil d’authentification des vidéos, développé par l’AFP ;
  • Éducation aux médias et au numérique.

Réunis à la Maison de la Recherche de la Sorbonne-Nouvelle pendant trois jours, une trentaine de participants – journalistes, militants associatifs, intervenants inspirants, porteurs de projet, étudiants, etc. – se sont prêtés à l’exercice. Cet article vise à présenter de façon synthétique les principales pistes de développement abordées dans le cadre du parcours sur la lutte contre les propos haineux sur Internet et l’évolution de la plateforme Seriously. Deux volets d’amélioration du projet ont été évoqués :

  • Comment internationaliser la plateforme afin que la méthode Seriously puisse être appropriée dans d’autres régions du monde ?
  • Comment adapter la plateforme à de jeunes publics afin d’en faire un outil d’apprentissage à la citoyenneté numérique ?

Jour 1 : Explorer les enjeux des discours de haine

Le premier jour du hackathon a été l’occasion pour les participants de se “frotter” à la problématique et de distinguer les premiers écueils et difficultés de la lutte contre le discours de haine sur Internet. Tour d’horizon des premières conclusions :

  • Sur le volet “Internationalisation” : l’une des premières difficultés remontées par les participants a porté sur l’identification des pays pertinents et des réseaux associatifs fiables pour l’appropriation de la plateforme Seriously. À ce titre, la justification de l’intérêt de développer un tel projet dans un autre pays a également été une question soulevée. Enfin, tous les participants ont rappelé que si l’appropriation de la plateforme dans d’autres régions du monde devait nécessairement passer par son adaptation aux spécificités locales (langue, culture, contenus pertinents, usages numériques), ils ont également précisé que cette adaptation ne devait pas trahir l’esprit initial du projet.
  • Sur le volet “Éducation” : les participants, en particulier les étudiants, ont rapidement évoqué le fait que l’aspect pédagogique du projet devrait être renforcé et que la plateforme devrait s’adapter aux usages du jeune public. Enfin, la question de savoir si cette évolution devait s’orienter vers un modèle adapté pour l’éducation formelle (éducation nationale) et/ou pour l’éducation informelle (éducation populaire) a été longuement discutée par les participants.

Jour 2 : S’inspirer et proposer des pistes de développement pour Seriously

Au menu de la deuxième journée, il a été proposé une série de « pitchs » inspirants afin d’ouvrir les perspectives et les réflexions des participants autour du parcours visant à améliorer la plateforme Seriously. Les participants ont ainsi eu l’occasion de profiter des retours d’expérience et des recommandations de plusieurs acteurs spécialistes de ces enjeux. Jérémie Mani, Président de Netino By WebHelp, a ainsi présenté la vision de l’entreprise leader de la modération en ligne en France. Puis, Yohann Roszewitch, Conseiller à la Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBT, a évoqué quant à lui la position institutionnelle en la matière. Enfin, Iris Boyer, Responsable des partenariats à l’Institute for Strategic Dialogue, a présenté les nombreuses activités du think tank anglais pour lutter contre l’extrémisme, notamment dans une perspective internationale.

Après cette session “inspiration”, la journée s’est poursuivie par des travaux de groupe, avec l’objectif de trouver des solutions concrètes aux problèmes identifiés la veille. Le groupe “Internationalisation” a ainsi cherché à modéliser un processus générique d’internationalisation du projet. Le groupe “Éducation” s’est quant à lui efforcé de structurer un parcours pédagogique à partir de l’outil Seriously et des réflexions sous-jacentes.

Jour 3 : Présenter les pistes de développement pour Seriously

Dernier jour du hackathon et grand jour pour les participants ! Ils ont eu l’occasion de présenter leurs conclusions et leurs pistes de développement pour Seriously. Voici leurs recommandations :

  • Sur le volet “Internationalisation” : Afin de répondre aux difficultés identifiées le premier jour, les participants ont préconisé la constitution d’une “task force” rassemblant journalistes, experts du numérique, universitaires et responsables associatifs du pays d’accueil afin de développer le projet tout en l’adaptant aux spécificités culturelles. Concernant l’identification des acteurs de confiance en mesure de porter un tel projet, le groupe de travail a recommandé de mobiliser les organisations internationales et les institutions locales reconnues (académiques et gouvernementales). Ensuite, dans l’objectif d’adapter la plateforme Seriously aux enjeux locaux tout en conservant son esprit initial, les participants ont évoqué l’idée de rédiger une charte des valeurs fondamentales de Seriously qui serait opposable. L’objectif est ainsi de rassembler les acteurs autour d’une charte dont les valeurs partagées sont communes et de se prémunir de tout détournement de la plateforme à des fins autres que la pacification du dialogue en ligne. Enfin, ils ont recommandé à l’équipe Seriously France de conserver un rôle de conseil pour toutes les questions relatives au déploiement du projet par la “task force” du pays d’accueil.
  • Sur le volet “Éducation” : Afin de renforcer la dimension pédagogique de la plateforme, les  participants de ce groupe de travail ont recommandé de mettre à disposition la plateforme Seriously vidée de ses contenus. L’objectif est que les élèves identifient, avec leur professeur, le sujet sur lequel travailler, pour ensuite alimenter la plateforme avec des contenus pertinents. Au-delà d’une évolution de la plateforme, les participants ont également proposé des activités pédagogiques adaptées aux usages éducatifs des plus jeunes afin d’éviter tout apprentissage traditionnel descendant. Par exemple, ils ont imaginé un jeu “La pelote de laine” ou “Le pilote de l’haine” : l’élève doit passer la pelote de laine à un autre élève à chaque fois qu’un nouvel acteur est impliqué dans la chaîne de la haine en ligne. L’objectif est de montrer que d’un message de haine en ligne anodin aux stratégies de manipulation des opinions en ligne les plus fines pour déstabiliser les démocraties, la chaîne de la haine en ligne implique une myriade d’acteurs.

Conclusion et remerciement

Alors que l’internationalisation et la dimension éducative du projet Seriously constitueront les principaux axes de développement pour le projet en 2019, des recommandations issues de ce hackathon seront intégrées et mise en œuvre dans le futur plan d’actions.

Renaissance Numérique tient à remercier chaleureusement les participants pour leurs contributions aux travaux, ainsi que la Maison de la Recherche de la Sorbonne-Nouvelle pour son accueil.


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