Publication 24 septembre 2024
Bientôt des super-apps en Europe ?
En 2023, la super-application chinoise WeChat comptait 827,2 millions d’utilisateurs en Chine et 1,3 milliard dans le monde. Le succès de cette “super-app” conduit beaucoup d’acteurs du numérique à s’intéresser à ce modèle singulier d’application mobile. Ainsi, Elon Musk annonçait lors du rachat de X (anciennement Twitter), que la plateforme de microblogging deviendrait une super-app, une “everything app”. On prête également à Mark Zuckerberg la volonté de transformer WhatsApp en un concurrent américain de WeChat, sans que cela soit, jusqu’à aujourd’hui, devenu totalement le cas.
Loin de se limiter à WeChat, le modèle de super-app existe depuis plus de deux décennies et se répand dans le monde, de l’Asie à l’Afrique, en passant par l’Amérique du Sud. Il en existe plus d’une trentaine qui totalisent plusieurs milliards d’utilisateurs. Jusqu’à aujourd’hui, les super-apps s’imposent dans les pays en développement et restent absentes des pays occidentaux.
Elles se sont développées dans des contextes socio-économiques spécifiques où elles pallient l’absence de plusieurs infrastructures nécessaires aux échanges économiques et s’apparentent dans de nombreux cas à des stratégies de leapfrogging ; consistant à sauter des étapes de développement et embrasser la dernière vague technologique disponible1. Dès lors, leur développement en Europe n’apparaît pas évident dans les années à venir, tant les logiques de développement des services numériques diffèrent. Cependant, celles des plateformes numériques occidentales tendent de plus en plus à intégrer les services entre eux : Apple propose Apple One, un abonnement groupé à plusieurs de ses services (incluant iCloud, Fitness+, Music, TV+, Arcade), tandis qu’Uber One regroupe les services de VTC et de livraison de repas .
Dès lors, une convergence se dessine entre les deux modèles de déploiement des services numériques. La question du déploiement de telles super-apps en Europe est ainsi posée. Cependant, l’existence de super-apps en Europe pourrait être difficile compte-tenu des nombreuses réglementations sur les services numériques, les données personnelles, les services de paiements et les services audiovisuels.
Cette note de Renaissance Numérique met en évidence que l’adaptation des super-app au contexte réglementaire européen n’est pas impossible, même si ce contexte imposerait inévitablement des modifications du modèle économique des super-apps. Pour autant, le déploiement de super-apps en Europe est-il souhaitable ? Si leur praticité est indéniable, les risques que comporte la concentration de nombreux services en une seule application ne sont-ils pas supérieurs à leurs avantages ? Alors même que l’Europe peine à faire émerger des plateformes numériques de taille mondiale, que penser du développement de telles applications sur le Vieux Continent ?
1 Brezis E., Krugman P., Tsiddon D. (1991), Leapfrogging: a theory of cycles in national technological leadership, NBER Working Paper n°3886 ; Lee K. (2019), The art of economic catch-up. Barriers, Detours and leapfrogging in innovation systems, Cambridge University Press.
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