Publication 19 janvier 2014
Système de santé et numérique, avec Henri Isaac
Pourquoi le conseil scientifique a-t-il identifié la problématique e-santé et financement du système santé comme un thème important de recherche en ce début d’année 2014 ?
La santé et le numérique sont deux sujets majeurs dans la société actuelle et leur rencontre produit depuis quelques années de nombreuses initiatives et questionnements. Alors que les objets connectés liés au bien-être et à la santé se répandent à une grande vitesse, que l’open data progresse, que les innovations technologiques se multiplient, que les déficits ne se résorbent toujours pas dans un contexte de soutennabilité critique de la dette, il nous a semblé pertinent de s’interroger sur la possibilité de repenser un système de santé transformé qui capitaliserait sur le potentiel du numérique. Il y a la possibilité d’imaginer un système de santé préventif plutôt que curatif et donc un système de santé assez différent de l’actuel. Il faut donc désormais s’interroger sur sa faisabilité, ses enjeux, sa régulation, son déploiement.
Selon vous, peut-on fixer des limites éthiques au rapprochement entre une entreprise générant des données santé et une mutuelle ? Ou au contraire, cet accès aux données reste davantage un levier économique à saisir ?
Il est certain que la numérisation de l’activité humaine génèrera de très nombreuses données dont la fiabilité, la sécurité et leur exploitation nécessitent une réflexion approfondie préalable indispensable. En effet, les dérives possibles sont très faciles à imaginer et pourraient conduire à un système très inégalitaire qui mettrait à mal l’actuel système de solidarité et de mutualisation du risque santé. Il importe donc de lancer une réflexion sur l’utilisation et la régulation de ces données. Tant que ces questions n’auront trouvé de réponses, il apparaît difficile d’imaginer le déploiement économique à une vaste échelle.
On saisit bien les différentes conséquences aux données de santé accessibles aux mutuelles. Mais si l’on donnait l’accès de ces données aux citoyens eux-mêmes, ceux qui les génèrent : quelles conséquences imaginer ? Cela permettrait-il une gestion plus citoyenne de la question de la santé ?
L’accès du citoyen à ses données de santé et bien-être me semble une tendance inéluctable. La question est leur fiabilité et leur interprétation par des ‘profanes’ que nous sommes. On peut constater que les mouvements de patients sur certaines pathologies ont contribué à démocratiser l’accès à la connaissance de santé. Le numérique facilitera les communautés et les échanges sur et autour de ces données, leur partage, leur lecture, interprétation. La question qui est posée à mon sens est celle de la place et le rôle des professionnels de santé dans ces configurations à venir. Tout comme la numérisation ne fera pas disparaître les enseignants, le numérique ne fera pas disparaître les professionnels de santé, il fera évoluer leur rôle et c’est à cela qu’il faut réfléchir.