Publication 7 juin 2017

Numérique et prévention de l’extrémisme violent, avec Stéphane Lacombe

Directeur adjoint de l’Association Française des Victimes du Terrorisme

Interview de Stéphane Lacombe, Directeur adjoint de l’Association Française des Victimes du Terrorisme, en charge du pôle prévention.

Présentez-nous votre association. Conduisez-vous des actions particulières en relation avec Internet ?

L’AfVT.org a été créée en 2009 avec deux pôles d’intervention : l’aide aux victimes d’actes terroristes (action VIVA) et la prévention de l’extrémisme violent (action DVT) impliquant notamment les victimes. Internet est un espace qui a été longtemps sous-investi par la puissance publique mais aussi par certaines composantes de la société civile. Or la profusion de contenus et le manque de régulation citoyenne sur les réseaux sociaux ont permis aux extrémistes d’investir Internet. Dans le cadre d’un appel d’offres de la Commission européenne, notre association a produit 21 témoignages audiovisuels de victimes : ces personnes sont devenues des acteurs de citoyenneté positive et se montrent unies malgré leurs différences culturelles, personnelles, ethniques, voire confessionnelles. Tous ces contenus ont été sous-titrés en plusieurs langues : français, anglais, espagnol, italien, allemand, russe, arabe. Ils commencent à être accessibles via une plateforme, VOICES, récemment mise en ligne en français et en anglais. Elle sera disponible dans les autres langues prochainement.

Existe-t-il un lien entre conspirationnisme et radicalisation djihadiste sur Internet ?

Les extrémistes, quelle que soit leur idéologie, construisent leur propagande sur la diabolisation de l’autre. Le corpus conspirationniste constitue donc un outil indispensable pour diffuser une propagande victimaire, déshumanisante, paranoïaque et antisociale afin de manipuler les faits et les émotions. Dans le cas du djihadisme, la thématique du complot planétaire « occidental » et « sioniste » contre les musulmans est omniprésente. Enfin, il est important de comprendre que les architectes des sites et autres hubs qui se « contentent » de relayer les hoax et autres contenus de désinformation jouent également un rôle toxique.

Le numérique peut-il jouer un rôle en matière de prévention de l’extrémisme violent ? 

Il me paraît urgent de réinvestir l’espace numérique et de réfléchir sérieusement aux modalités d’une future citoyenneté numérique : tous les internautes, loin de là, ne sont pas des êtres malveillants. Il n’y a donc aucune raison que les acteurs du discours victimaire et les diffuseurs de contenus haineux persistent dans cette toute-puissance éditoriale. C’est ce qu’il faut marteler aux acteurs de l’industrie du Net qui ont des difficultés à admettre leur responsabilité. Leurs représentants, à quelques exceptions près, me paraissent sous-formés et immatures. Il est donc difficile de bâtir une relation exigeante et transparente avec ces corporations. Il n’y a pourtant pas d’autre alternative à long terme. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à m’impliquer dans l’élaboration de l’outil « Seriously » porté par Renaissance Numérique. En tant que citoyens, nous nous devons d’être force de proposition.


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