Publication 20 mars 2018

Plus de la moitié des jeunes sont exposés à des propos haineux sur Internet

Alors que ce lundi 19 mars, le Premier Ministre, Edouard Philippe, présentait le nouveau plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Renaissance Numérique et l’association Génération Numérique, en association avec la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine LGBT (DILCRAH) et le Comité Interministériel à la Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR), alertent sur l’exposition des jeunes aux contenus choquants sur Internet.

Alors que ce lundi 19 mars, le Premier Ministre, Edouard Philippe, présentait le nouveau plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, le think tank Renaissance Numérique et l’association Génération Numérique, en association avec la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine LGBT (DILCRAH) et le Comité Interministériel à la Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR), alertent, dans une enquête, sur l’exposition des jeunes aux contenus choquants sur Internet.

Les jeunes et les propos choquants sur internet

Question 1 – En utilisant Internet, es-tu déjà tombé sur des contenus ou des propos choquants ou haineux, tels que…

Types de contenu choquant 11-14 ans (13 855 répondants) 15-18 ans (2 594 répondants) Total 11-18 ans
Insultes sur la religion (propos anti-musulmans, antisémites, anti-chrétiens, etc.) 13% 33% 23%
Insultes sur l’apparence physique (poids, couleurs de cheveux, vêtements, etc.) 21% 46% 34%
Propos sexistes, homophobes, etc. 14% 37% 34%
Propos racistes (anti-noir, anti-asiatique, anti-blanc, etc.) 17% 40% 29%
Scènes de torture, de violence ou de bagarre 15% 34% 25%
Pornographie 23% 45% 34%
Aucun de ces contenus ou propos 53% 26% 40%
Autre 3% 3% 3%

Points clés

  • La jeunesse apparaît massivement exposée aux contenus choquants sur Internet.
    • Les insultes sur l’apparence physique (34 %) et la pornographie (34 %) sont les contenus les plus fréquemment rencontrés par les jeunes. Le premier résultat s’explique car ce type d’insultes « ordinaires » représente certainement le « quotidien haineux » des jeunes. Le second, parce que la pornographie est un des domaines prioritaires de sensibilisation des jeunes publics et est plus facilement appréhendable par eux.
    • Les propos racistes arrivent quant à eux en troisième position (29 %). Si nous les regroupons avec les insultes sur les religions, sur lesquels ils expriment une forme de confusion, ils arriveraient même en tête avec 52 % de jeunes qui sont exposés à des propos haineux en ligne.
    • Notons que l’item selon lequel les jeunes ne seraient confrontés à aucun de ces contenus atteint le niveau le plus élevé (40 %). Ce chiffre mérite néanmoins d’être relativisé, puisque plusieurs réponses étaient possibles. Les répondants pouvaient ainsi indiquer être confrontés aux items susmentionnés et dans le même temps n’avoir jamais été confrontés à ces types de contenu.
  • La tranche d’âge des 15-18 ans est davantage confrontée aux contenus choquants que celle des 11-14 ans, du fait d’une exposition plus importante aux contenus sur Internet.
  • Les jeunes ne sont pas isolés des discussions de l’espace public concernant l’actualité, en témoignent les réponses à l’item « autre » qui était une question ouverte (« exécution / Daech / décapitation / mutilation »,  « Alain Soral », « maltraitance (des animaux)/abattoirs », etc.).

Question 2 – En général, comment réagis-tu quand tu vois ce genre de propos insultants ?

Types de réaction 11-14 ans (5 152 répondants) 15-18 ans (1 584 répondants) Total 11-18 ans
J’en parle à un adulte (mes parents, mes professeurs, etc.) 17% 5% 11%
J’en parle à un(e) ami(e) ou à mon frère/ma sœur  12% 10% 11%
Je ne fais rien du tout 40% 45% 42%
Je partage ces messages ou posts avec mes amis et mes contacts (par exemple, avec le bouton « Partager » sur Facebook)  1% 2% 2%
Je réponds à l’auteur des propos (par exemple, je laisse un commentaire)  6% 6% 6%
Je signale les propos ou son auteur sur le site Internet ou le réseau social 25% 33% 29%

 

Points clés

  • Les jeunes sont encore nombreux à ne pas savoir comment réagir face aux contenus insultants : quatre jeunes (11-18 ans) sur dix ne font rien lorsqu’ils sont confrontés à un propos insultant sur Internet (42%).
  • Le signalement apparaît a priori comme un réflexe intégré par les jeunes : près d’un jeune (11-18 ans) sur trois mentionne qu’il signale les propos ou son auteur sur le site Internet ou le réseau social concerné (29%).
    • Ce résultat doit toutefois être nuancé car, dans la perception des jeunes, il intègre également certaines pratiques en ligne telles que le « dislike », et pas seulement les dispositifs de signalement légaux.

Question 3 – Tu dis ne rien faire si tu vois des propos haineux ou insultants sur Internet. Pourquoi ?

Types d’explication 11-14 ans (1 971 répondants) 15-18 ans (693 répondants) Total 11-18 ans
Parce que ce n’est pas mon problème  29% 23% 26%
Parce que je n’ai pas le temps  8% 11% 10%
Parce que je ne sais pas comment répondre  30% 27% 29%
Parce que je pense que c’est inutile  23% 27% 25%
Autre 10% 12% 11%

 

Points clés

  • Un certain aveu d’échec face à la haine sur Internet de la part de la jeunesse :
    • Près d’un jeune (11-18 ans) sur trois ne réagit pas face à la haine en ligne parce qu’il ne sait pas comment y répondre (29 %).
    • Un jeune (11-18 ans) sur quatre ne fait rien parce qu’il estime que c’est inutile (25 %).
  • Les jeunes semblent encore peu sensibilisés aux enjeux citoyens et à l’éthique du débat en ligne : Plus d’un jeune (11-18 ans) sur quatre ne réagit pas car il pense que ce n’est pas son problème (26%).

Question 4 – Comment es-tu tombé(e) sur ces contenus ou propos choquants ou insultants ?4

Types d’explication 11-14 ans (6 575 répondants) 15-18 ans (1 923 répondants) Total 11-18 ans
Dans un post sur les réseaux sociaux  13% 33% 23%
Dans une publicité sur un site de téléchargement ou de streaming  21% 46% 34%
Dans une vidéo sur un site de streaming 14% 37% 34%
Dans un jeu vidéo 17% 40% 29%
Dans un fichier téléchargé 15% 34% 25%
Dans un message (SMS, mail, etc.) 23% 45% 34%
Autre 53% 26% 40%

 

Points clés

  • Les jeunes sont particulièrement exposés aux contenus choquants du fait de leurs usages sur Internet ; sur les réseaux sociaux :
    • Près d’un jeune (11-18 ans) sur deux évoque être tombé sur des contenus choquants via les réseaux sociaux (48%).
    • Sur la tranche des 15-18 ans, ils sont plus de 61% ; cela s’entend par les usages à cet âge.
    • Il convient ici de noter l’acception large par les jeunes du concept de « réseau social », qui peut par exemple également intégrer des services numériques comme Skype.
  • Et en matière de « consommation » de vidéos : 66 % des jeunes relatent avoir été exposés à un contenu choquant en naviguant sur un site de streaming (faisant peu la différence entre « une publicité sur un site de téléchargement ou de streaming » et « une vidéo sur un site de streaming »).

Penser la haine sur internet « à l’échelle » de la jeunesse

Une appréhension générationnelle différente des contenus choquants sur Internet

Plus d’un contenu choquant sur deux remarqués par les jeunes sur Internet concerne les insultes sur la religion ou les prétendues races humaines (52 %). Toutefois, notons que l’appréhension de ces propos par les jeunes ne sera pas la même que pour les adultes. Les jeunes ont une difficulté à s’exprimer sur ce sujet : le nombre de répondants à ces questions est ainsi inférieur aux répondants aux autres questions du baromètre de Génération Numérique6. Il leur est par ailleurs difficile d’appréhender de façon différenciée les types de contenus choquants qu’ils remarquent. Une problématique notamment visible lorsque nous analysons les réponses à la question ouverte « autre » qui couvrent d’autres items de la question (Question 1).

Alors que plus d’un jeune sur deux (53 %) âgé de 11 à 14 ans évoque n’avoir jamais été exposé à ces différents types de contenus choquants, ils sont seulement un quart (26 %) dans ce cas sur la tranche des 15-18 ans. Cet écart entre les tranches d’âge peut se comprendre par le fait que les plus jeunes n’ont pas forcément conscience de la portée de ces propos. Certains de leurs propos tenus au quotidien tombent par exemple sous le coup de la loi alors qu’ils peuvent les considérer comme humoristiques. Un phénomène mieux appréhendé par les plus âgés donc.

Un public jeune massivement exposé aux propos haineux en ligne du fait des usages (et de l’actualité)

La jeunesse est un public particulièrement confronté à la haine et la violence en ligne. Cette exposition massive aux contenus choquants sur Internet est à relier en premier lieu aux réseaux sociaux (à 48 %). Ce chiffre s’explique naturellement par le fait que les réseaux sociaux concentrent la majorité des usages des jeunes quand ils utilisent Internet.

Cette lecture se retrouve également dans l’écart entre classes d’âge, puisque les jeunes âgés de 15 à 18 ans sont en moyenne plus exposés aux contenus choquants en ligne que les 11-14 ans. Or, nous le savons, le temps passé devant les écrans augmente avec l’âge.

Les questions ouvertes de l’enquête révèlent par ailleurs que les jeunes ne sont pas isolés des discussions dans l’espace public liées à l’actualité. En effet, les sujets liés à Alain Soral, Daech ou encore la maltraitance animale sont notamment évoqués par les jeunes.

Un besoin d’éduquer à la citoyenneté à l’ère numérique

Avec plus de quatre jeunes sur dix (42 %) qui disent ne pas réagir face à la violence sur Internet, force est de constater que la jeunesse apparaît encore démunie face à ce type de contenus. Cette analyse se retrouve autant dans la tranche des 11-14 ans (40 %) que dans celle des 15-18 ans (45 %).

Quand il s’agit de demander aux jeunes pourquoi ils ne réagissent pas, ils sont 25% à évoquer que c’est inutile et 29 % à mentionner qu’ils ne réagissent pas car ils ne savent pas comment s’y prendre pour répondre. Ces chiffres semblent démontrer une forme d’aveu d’échec face à la haine en ligne. Ces résultats expriment a fortiori le besoin de sensibilisation et d’accompagnement en méthodes et outils pour leur apprendre à réagir face à ce type de contenus. Alors que plus d’un jeune sur quatre (26 %) ne réagit pas car il pense que ce n’est pas son problème, soulignant ainsi une forme d’indifférence quant à cette problématique, se pose également la question de la prise de conscience citoyenne et notamment de l’éducation au débat démocratique en ligne.

L’ensemble de ces résultats démontre que la citoyenneté numérique des jeunes reste un terrain encore largement à construire. Ces constats font notamment et directement échos aux enjeux soulevés (le rôle central d’Internet et des plateformes du numérique, l’éducation à l’esprit critique, etc.) dans le nouveau plan national de prévention de la radicalisation et dans celui relatif à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Henri Isaac

Président, Renaissance Numérique

« Avant un aveu d’échec, les résultats de ce questionnaire traduisent un réel besoin d’accompagnement de jeunes pour faire face aux contenus haineux en ligne. Il est urgent d’équiper les élèves en outils et méthodes pour être en mesure d’affronter la violence en ligne. C’est parce que la nouvelle génération aura une conscience citoyenne numérique élevée qu’elle sera en capacité d’exploiter toutes les opportunités de la mise en réseaux numériques de la société ».

Cyril di Palma

Délégué Général, Génération Numérique

« Ces chiffres doivent nous alerter sur l’état du monde numérique dans lequel les plus jeunes de nos concitoyens évoluent quotidiennement : Internet apparait plus violent et haineux que la vie « de tous les jours ». Il est urgent d’agir à plusieurs niveaux : réduire les contenus haineux présents sur Internet, créer et diffuser des contenus alternatifs et développer l’éducation citoyenne au numérique ».

Muriel Domenach

Secrétaire générale, Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR)

« Protéger les citoyens sur Internet est un axe essentiel de notre plan national #PrévenirPourProtéger contre la radicalisation comme du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Le conspirationnisme et les discours de haine sont des sas de la radicalisation. Les entraver est l’affaire de tous. Etat et société civile, nous devons éduquer aux médias, déconstruire et délégitimer les discours de haine et djihadistes ».

Frédéric Potier

Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH)

« La baisse tendancielle des menaces et des actes haineux depuis 2016 ne rend pas compte des tensions qui demeurent vives dans notre pays et du déferlement de haine qui s’exprime de manière quotidienne, sur Internet. Il faut donc aller beaucoup plus loin, creuser le sillon du premier plan interministériel et ouvrir de nouveaux fronts en particulier sur le thème de la lutte contre la haine sur Internet, priorité du plan national contre le racisme et l'antisémitisme 2018-2020 ».

MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE

Cette étude a été réalisée par l’intermédiaire d’un questionnaire en ligne pour la période allant du 13 novembre 2017 au 12 mars 2018. Ce questionnaire a été envoyé auprès de 20 853 élèves (de 11 à 18 ans) issus d’établissements scolaires dans lesquels l’association Génération Numérique intervient pour sensibiliser les jeunes sur les bons usages à adopter sur les réseaux sociaux dans le cadre de son tour de France.

Ces résultats doivent être interprétés comme des tendances permettant de prendre un premier « pouls » de la perception des jeunes quant aux propos choquants sur Internet.

Cette étude ne traduit ainsi pas une logique de représentativité des résultats par la mise en place de variables de quotas sur des critères sociodémographiques.

Notons également que l’ensemble des questions n’impliquait pas de réponses contraignantes pour les élèves. Ainsi, le nombre de répondants peut varier entre les questions.


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