Publication 18 octobre 2019
Lutte contre le racisme en ligne, avec Safya Ruf Khan
1. Pouvez-vous nous présenter le travail de HOPE not hate en quelques mots ?
HOPE not hate est une organisation antiraciste avec des racines antifascistes. Bien que l’organisation ait démarré en 2005, nous avons une histoire beaucoup plus longue avec l’anti-fascisme, car nous avons évolué à partir de l’organisation antifasciste Search Light. Aujourd’hui, nous avons plusieurs équipes qui mènent à bien nos activités dans les domaines de l’éducation, de la recherche, des renseignements, et dans l’organisation communautaire.
Sur un volet pédagogique, nous travaillons avec des écoles, en particulier dans des collectivités à risque que nous identifions à partir de nos données. Nous menons des enquêtes et des sondages pour cartographier les perceptions à travers le Royaume-Uni. De cette façon, nous sommes en mesure d’identifier et soutenir les écoles qui luttent contre les préjugés. Mes collègues collaborent avec les écoles pour organiser des ateliers avec les élèves sur le racisme et d’autres formes de discriminations, ce qui nous permet d’amener notre travail directement auprès des enfants et enseignants. Selon la région, un atelier peut porter sur l’antisémitisme, les biais anti-musulmans, etc. Nous travaillons également sur les questions interreligieuses, en collaboration avec les communautés et les organisateurs communautaires.
Nous menons diverses recherches, en particulier sur l’extrême droite et l’extrémisme islamique. Notre travail sur l’extrême droite consiste à suivre à la fois ce qu’ils font en tant que mouvement et aussi en tant qu’individus. Il s’agit notamment d’un travail de renseignement pour lequel nous avons des informateurs et des “agents sous couverture”. Le chercheur Patrik Hermansson a ainsi passé près d’un an dans un groupe d’extrême droite. Il a voyagé aux États-Unis où il a même prononcé un discours lors d’une conférence de l’extrême droite concernant le phénomène d’infiltration de la gauche (!), et il était aussi présent lors de la tragédie de Charlottesville. Ses expériences ont été rédigées sous la forme d’un rapport et un documentaire. En outre, le lanceur d’alerte Robbie Mullen a été un informateur pour HOPE not hate au sujet d’un complot visant à tuer un député.
2. L’année dernière vous avez lancé le projet HOPE Group. En quoi consiste cette démarche ?
Nous avons publié une étude indiquant que même si l’appartenance à des groupes politiques d’extrême droite comme le British National Party a baissé, ces groupes ont été remplacés par des réseaux en ligne. Hope Group est donc un projet relativement récent qui vise à amener des militants et défenseurs des droits à lutter contre la haine en ligne. Nous avons un appui assez important à travers le pays, et c’était donc une façon de rassembler ces acteurs dans des efforts concertés et coordonnés.
Une partie de notre travail numérique consiste à combattre les messages haineux qui sont largement répandus en ligne — pas forcément les propos de haine vis-à-vis des individus, mais les efforts visant à inspirer la haine à grande échelle. Ce travail comprend des actions en ligne telles que des campagnes et des pétitions. Hope Groupfacilite ces activités. C’est un groupe en ligne fermé (les participants demandent une invitation) qui rassemble différents acteurs de la lutte contre la haine au Royaume-Uni. Réunis dans ce groupe, ils peuvent rapidement diffuser les projets de HOPE not hate — les pétitions, les campagnes, etc.— et les pousser encore plus loin.
Notre équipe de production vidéo crée des ressources incroyables dans ce cadre. Nous avons constaté que les vidéos sont des outils particulièrement efficaces, et notre équipe est experte pour diffuser ces ressources au moment opportun. Par exemple, si une déclaration haineuse ou inexacte de la part de Nigel Farage (le chef du parti Brexit) fait la Une, nous essayons immédiatement de diffuser une vidéo communiquant les faits sur le sujet d’une manière accessible et amusante. Voici un exemple.
3. Pouvez-vous nous parler de vos outils de communication ?
Chez HOPE note hate, nous travaillons beaucoup sur les campagnes en ligne. Notre équipe digitale s’est beaucoup agrandie au cours des dernières années.
L’année dernière nous avons axé nos efforts sur l’impact de notre recherche et pas seulement sur la production d’un grand nombre de recherches. Ainsi, une partie importante de notre travail en ligne consiste à transformer cette recherche en contenus qui soit faciles d’accès. Notre projet LAMP vient d’avoir un an. LAMP veille et décrypte les préjugés et la haine anti-musulmans, au travers de la publication d’une newsletter toutes les deux semaines avec des recherches originales, des interviews, et un résumé des événements majeurs se déroulant au Royaume-Uni et à travers le monde, par exemple des informations sur le peuple ouïghour, l’évolution de la législation aux États-Unis, ou encore les enjeux en France. De cette façon, LAMP aide à lutter contre les préjugés anti-musulmans à l’échelle internationale.
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