Publication 21 juillet 2020
La transformation numérique des paiements : Défi économique, enjeu citoyen
Un secteur stratégique pour l’Union européenne
Les paiements électroniques ont connu un développement majeur ces dernières années, porté par la montée en puissance de nouvelles technologies telles que le sans contact, le mobile ou l’e-commerce et couplé à des évolutions réglementaires communautaires. Cette transformation est également largement portée par des acteurs numériques qui occupent une place toujours plus grande dans notre quotidien, à l’instar d’Uber ou Amazon. Ils font office de vecteurs de diffusion rapide de nouveaux usages de paiement, qui profitent in fine à des sociétés extra-européennes. Le développement des services de paiement mobile (Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay, AliPay, WeChat Pay), des crypto-monnaies (Libra) et du paiement instantané (ex. les investissements de Tencent dans Lydia et Qonto) laisse ainsi planer l’ombre d’une perte d’opportunités de marché sur les futurs usages pour les acteurs européens. Un des défis résultera donc dans la capacité européenne à concurrencer le niveau d’investissement de ces acteurs.
Redonner la maîtrise des données de paiement aux citoyens
Les données de paiement sont devenues un actif essentiel au développement de nouveaux services dans le secteur bancaire, financier et assurantiel. Elles sont également précieuses pour d’autres secteurs de l’économie, car elles sont révélatrices des habitudes de consommation en ligne et hors ligne. On s’oriente désormais vers une hyperconnexion des services basée sur l’exploitation des données de paiement, empiétant progressivement sur l’anonymat des transactions. Alors que les textes réglementaires se chevauchent (Règlement général sur la protection des données, Directive sur les services de paiement, notamment) ou que leur application varie selon les États membres, il est nécessaire d’apporter des précisions quant aux règles en vigueur concernant le respect de la vie privée dans le secteur des paiements en Europe. Dans la perspective de la mise en place d’une monnaie électronique et de la disparition progressive des espèces, il est notamment crucial de s’interroger sur notre régime d’anonymat. Maintenir l’accès à une offre qui préserve l’anonymat doit relever d’une mission de service public. Par ailleurs, la maîtrise du consommateur sur ses données de paiement à caractère personnel doit également passer par un renforcement de ses capacités réelles à consentir ou non à toute intervention d’un acteur tiers sur ces dernières.
Faire de l’accessibilité aux paiements un volet à part entière de la politique d’inclusion numérique
Toutefois, l’Europe ne doit pas considérer la protection des consommateurs sous le seul prisme de la protection des données. Bien que les États membres aient généralement le dernier mot sur la politique d’inclusion numérique, l’Union européenne doit en faire un pan à part entière de sa stratégie sur les paiements. À côté des fragilités financières, émerge progressivement une nouvelle forme d’exclusion dans le champ des moyens de paiement, liée à leur transformation numérique : soit en renforçant les difficultés de personnes déjà fragilisées financièrement, soit en excluant de nouveaux publics qui sont éloignés du numérique. Au-delà des consommateurs, nombre d’artisans et de petits commerçants, de TPE et de PME, sont insuffisamment préparés aux évolutions des usages professionnels en matière de paiements électroniques. Voguer dans cette transformation nécessite des bases qui ne relèvent cependant pas que du numérique, mais aussi de la « littératie” bancaire et financière, et ce d’autant plus à l’heure où l’on déploie des outils personnalisés d’aide à la décision au service des individus.
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