Publication 12 octobre 2017

Pour un espace Internet plus apaisé, avec Romain Badouard

Spécialiste des mouvements d’opinion sur le Web à l’Université Cergy-Pontoise

Interview de Romain Badouard, spécialiste des mouvements d’opinion sur le Web à l’Université Cergy-Pontoise.

Dans votre nouvel ouvrage, vous parlez du projet politique de l’Internet. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Les fondateurs d’internet défendaient un certain nombre de valeurs, notamment d’ouverture et de pluralisme, qu’ils ont cherché à incorporer au sein même du réseau à travers une architecture décentralisée. Certains « désenchantements » que nous connaissons aujourd’hui vis-à-vis du potentiel démocratique d’Internet sont directement liés à cette histoire : puisqu’il n’existe pas de points de contrôle sur le réseau, toutes les voix peuvent s’exprimer, y compris les plus rétrogrades. Mais il ne faut pas « jeter internet avec l’eau du bain » : la censure pourrait être une solution bien pire que le problème auquel elle s’adresse.

Comment expliquez-vous la brutalisation du débat démocratique en ligne ?

On accuse souvent l’anonymat d’être responsable de la violence expressive. Mais son impact semble pourtant limité sur l’agressivité des internautes, alors même qu’il est une condition sine qua non à la libération de la parole en ligne. Cette agressivité découle davantage de stratégies de reconnaissance au sein de certaines communautés. Plus généralement, l’agressivité est un registre d’expression davantage toléré sur Internet et ne constitue pas toujours un obstacle à la discussion. Un palier est franchi cependant lorsque l’on tombe dans les discours de haine.

Selon vous, quelles sont les pistes de solution pour rendre l’espace Internet plus apaisé ?

Il y a différentes pistes. La loi, qui s’applique plus difficilement en ligne. L’éducation, à travers l’intégration dans les programmes du secondaire de cours de sensibilisation à ces enjeux et d’ateliers pratiques de débat en ligne (qui engloberaient les cours actuels sur la recherche d’information). La mobilisation de la société civile enfin, à travers la production de contre-discours afin d’occuper l’espace de débat et montrer que des voix progressistes et tolérantes peuvent également se faire entendre.


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