Publication 19 novembre 2019
Fakenews et guerre en Ukraine, avec Olga Yurkova
Pouvez-vous nous présenter StopFake en quelques mots ?
StopFake est un site web de vérification des faits, lancé le 2 mars 2014, pour débusquer les fausses nouvelles sur les événements en Ukraine. Les initiateurs du projet sont des enseignants, d’anciens diplômés et des étudiants de l’Académie Mohyla, une école de journalisme en Ukraine et du programme «Futur digital du journalisme», qui ont été ensuite rejoints par d’autres journalistes, rédacteurs, programmeurs et interprètes qui se souciaient de l’avenir de l’Ukraine pendant la période de l’annexion de la Crimée et la guerre dans l’est de l’Ukraine.
Aujourd’hui, cinq ans après sa création, il est devenu un centre d’information analysant la propagande émanant de la Russie en tant que phénomène. Nous travaillons en 11 langues, vérifiant les faits et diffusant des informations en russe, anglais, espagnol, roumain, bulgare, français, italien, néerlandais, tchèque, allemand et polonais. Jusqu’à présent, nous avons réfuté plus de 3000 fausses nouvelles. Les experts de StopFake ont identifié les principaux récits créés sur la base de ces dernières. Finalement, nous avons pu constater qu’il ne s’agissait pas de mauvais journalisme, mais d’actes intentionnels de désinformation.
En plus de réfuter les fausses informations, StopFake organise des formations pour les parties prenantes dans les médias, participe à des conférences et séminaires sur l’intégrité journalistique et la vérification des faits, et construit également une archive et une base de données sur la propagande. Vous pouvez explorer ces outils ici.
Vous travailliez en tant que journaliste pendant de nombreuses années avant de co-fonder StopFake. Comment vos expériences en journalisme vous ont-elles influencée pour ce projet ?
J’ai 15 ans d’expérience dans le journalisme. J’ai tenu des rôles différents au sein des rédactions pendant cette période. J’ai commencé ma carrière comme correspondante locale avant de travailler pendant six ans comme rédactrice en chef de la première rédaction multimédia locale, qui diffusait quotidiennement et hebdomadairement des reportages sur l’actualité. Lorsque j’ai déménagé à Kiev, j’ai travaillé de 2015 à 2018 comme rédactrice en chef au sein du département médias d’une rédaction nationale, qui comprenaient le département « Crimée et Donbass ». Mon département a couvert ces sujets pour un journal bimensuel, un magazine hebdomadaire et un site Web.
En tant que journaliste, j’ai choisi mes environnements de travail avec beaucoup d’attention. Pour moi, il était d’une extrême importance de travailler pour des médias qui respectent les normes journalistiques, telles que la véracité, l’exactitude, l’objectivité, l’impartialité, l’équité, la rapidité d’exécution et la responsabilité à l’égard du public. L’idée de StopFake a été inspirée par le choc de voir mes « collègues » russes qui mentaient de façon si flagrante. Quand j’ai eu l’idée, j’ai juste essayé de rappeler à mes collègues l’importance de travailler dans le respect des normes. Et, bien sûr, pour expliquer aux lecteurs et aux audiences comment les médias grand public — dont la grande majorité en Ukraine sont russes — peuvent être utilisés par les autorités en tant qu’outil de désinformation pour diffuser de fausses nouvelles et de faux récits ciblant d’autres pays. Nous nous sommes rendus compte que l’Ukraine n’était pas la seule cible de la propagande russe, mais aussi les pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Vous travaillez en tant que rédactrice en chef des sections “Opinions” et “Contextes” de StopFake, ainsi qu’en tant que formatrice en nouveaux médias. Quels sont les plus grands défis auxquels vous faites face dans ce travail ? Comment tentez-vous de relever ces défis ?
Ces sections contiennent des nouvelles et une large gamme d’informations sur la propagande russe concernant l’Ukraine, ainsi que le problème des fausses nouvelles et de propagande à travers le monde entier, afin que nos lecteurs puissent saisir l’ensemble de la situation. Nous disposons également d’un pool d’experts qui préparent du matériel pour ces sections. Le principal défi est d’être toujours à jour parce que ces enjeux contiennent de nombreux sujets. Par conséquent, nous élargissons en permanence notre réseau d’experts et de sources.
Puisque j’anime des formations pour différents publics d’âges et de métiers différents et de pays différents, le principal défi est probablement d’être compréhensible et convaincante pour ces publics. Des arguments qui semblent solides pour le citoyen de Kiev ne le sont peut-être pas pour un habitant des régions de première ligne comme la région de Donetsk ou, à l’autre bout du pays, pour un habitant de l’Ukraine occidentale. De plus, les mêmes arguments ne convaincront ni les Américains ni les Allemands. J’essaie de sélectionner avec soin des exemples et de faire appel aux expériences très diverses des participants. Je ne suis pas toujours satisfaite des résultats de ces formations, mais j’essaie de les améliorer.
Pour en savoir plus sur StopFake, vous pouvez regarder la conférence TED d’Olga de 2018.