Publication 3 octobre 2017
Start-up et entrepreneuriat au coeur du livre « Ecosystème », avec Rachel Vanier
Écosystème. Pourquoi ce titre ?
C’est un clin d’œil au jargon des start-up : on dit souvent « il fait partie de l’écosystème… il est très actif dans l’écosystème », en lieu et place de « milieu startup ». Il y a cette idée d’interaction entre différents éléments pour assurer leur survie. La référence biologique est pertinente dans ce milieu très dur où peu d’entreprises passent le cap des trois ans.
Uber de ceci, Airbnb de cela… Aujourd’hui, beaucoup de jeunes diplômés rêvent de créer le prochain service révolutionnaire. Qu’est-ce que cette tendance révèle de notre société et des valeurs des jeunes générations ?
On le saura vraiment dans 10 à 15 ans, quand on aura fait des études sociologiques. De mon point de vue de romancière, cet engouement part d’un problème de redéfinition du sens que l’on donne à notre travail. Aujourd’hui, faire partie d’un grand groupe sur la stratégie duquel on n’aura aucun impact, qui fonctionne avec des références de type « N+1, N+2 », et où il y a des codes vestimentaires stricts, ne correspond plus aux attentes des nouvelles générations.
Ils ont beaucoup plus d’outils, de possibilités d’être libres et de poursuivre leurs rêves. Cela prend la forme de start-up, de projets, de vies de freelance. C’est un phénomène plus large que les start-up, c’est une question de liberté et de sens que l’on souhaite donner à sa vie.
Vous évoquez le burn-out dans le milieu des start-up, un sujet toujours tabou en 2017. L’entrepreneuriat est-il réservé aux marathoniens ?
J’ai essayé de montrer qu’être entrepreneur, ce n’est pas seulement une initiative intellectuelle : on entreprend aussi avec son corps, que l’on met à l’épreuve. Cela demande du temps, mais aussi une énergie psychique qui se transforme en énergie physique. L’entrepreneuriat a donc des conséquences sur la santé.
Parfois, c’est plus indirect : l’anti-héroïne de mon livre, Marianne, est complètement perdue dans son business, elle n’en maîtrise pas grand-chose malgré tous ses efforts. Elle compense cette perte de contrôle sur son entreprise par le contrôle de son corps, avec une pratique sportive intensive, pas vraiment compatible avec son rythme de vie composé de nuits trop courtes et de repas trop peu fréquents.
Tous les entrepreneurs ne sont pas comme ça, heureusement, mais il est certain que les entrepreneurs millionnaires sont souvent des travailleurs acharnés. Il faut essayer de prendre du recul avec ce travers de l’entrepreneuriat qui consiste à glorifier le fait de travailler constamment.
Entre échecs à la pelle et prochain Facebook, y a-t-il de la place pour d’autres modèles ?
Bien sûr, et c’est même un thème central de mon livre. Les deux héros se posent sans cesse la question de leur modèle de développement : doivent-ils poursuivre un rêve de licorne ou sont-ils destinés à atteindre un objectif un peu moins ambitieux, mais dans lequel ils se sentiraient heureux ? Une décision difficile à prendre dans ce milieu des start-up où on a tellement glorifié ces licornes.
Y a-t-il une spécificité du modèle start-up en France, et plus particulièrement de l’écosystème parisien ?
Je pense que l’entrepreneuriat est relativement aveugle aux frontières : l’écosystème dans la Silicon Valley est très international, 75% des entrepreneurs ne sont pas californiens. Peut-être avons-nous besoin d’accueillir en France des entrepreneurs étrangers pour fonder ces licornes ? Ce qui nous caractérise aussi, c’est la jeunesse de l’écosystème français, qui explique que les start-up n’ont pas encore eu le temps d’évoluer, de grandir, d’être rachetées. Et on a quand même quelques belles licornes avec Critéo et Blablacar par exemple.
Rachel Vanier
Directrice de la communication de Station F
Vous êtes directrice de la communication de Station F. Comment votre roman est-il perçu par votre écosystème ?
J’avais un peu d’appréhension avant de le sortir, même si je l’avais fait relire à quelques proches. Mais le livre a été très bien reçu ! J’ai eu beaucoup de retours d’entrepreneurs, très contents de voir enfin un livre où l’on parle d’entrepreneuriat sans être complètement à charge, ni totalement angélique. Mon style littéraire est pince-sans-rire, c’est ma touche, et ma prise de recul a été très bien reçue. Tous les entrepreneurs ne prennent pas les citations de Jeff Bezos au pied de la lettre !
Écoutez le podcast de la rencontre avec Rachel Vanier.