Publication 9 mai 2018
Communautés positives et haine en ligne
Les techniques des professionnels de la haine en ligne…
Pendant plusieurs décennies, la majorité des idées extrémistes étaient tenues à l’écart des grands médias traditionnels : la présence des gatekeepers (en savoir plus) effectuait un contrôle a priori de l’information. L’arrivée d’Internet a permis aux idéologies minoritaires d’obtenir un canal de diffusion sans précédent dans l’histoire. Conscient de ce pouvoir médiatique naissant, une véritable stratégie de conquête de ce nouvel espace public s’est mise en place (en savoir plus), voici quelques unes de leurs tactiques.
- De la sorte, une organisation en réseaux a vu le jour, permettant de simuler des polémiques artificielles et influencer l’agenda médiatique, comme ce fut le cas avec « l’affaire du bikini de Reims« (en savoir plus). Cette pratique, appelée astroturfing, désigne le fait que certains groupes sociaux cherchent à faire du « bruit » et à manifester de manière « 2.0 » afin d’attirer l’attention des journalistes, très présents sur Twitter. Leur force de cohésion leur permet de mettre en place des actions coordonnées afin de créer une controverse factice .
- Le compte Twitter « Renard du Net », qui comptabilise à ce jour 18,000 followers, parvient à mobiliser sa communauté virtuelle pour recenser puis « croquer » (lyncher en ligne ou faire un signalement massif) des contenus et des profils qui ne correspondent pas à l’idéologie « patriote » que le compte défend (En savoir plus).
- Dernièrement, les mobilisations les plus visibles ont souvent émané du forum 18/25 de jeuxvideo.com. Le dernier exemple en date est celui du raid organisé subit par le « numéro anti-relous » : les anti-féministes présents sur le forum se sont coordonnés pour surcharger la plateforme chargée d’envoyer les messages aux « relous » afin de mettre en difficulté financière les initiateurs (en savoir plus).
Les communautés négatives sont donc fortement structurées : elles suivent des stratégies d’influence dignes d’une organisation militaire. La structure des réseaux sociaux, qui donne une prime à ceux qui agissent par rapport à la majorité silencieuse, engendre donc une tyrannie des agissants (en savoir plus). Toutefois, les dynamiques haineuses commencent à être étudiées et comprises, poussant les défenseurs du vivre ensemble, jusqu’alors moins visibles, à adopter les mêmes stratégies.
…inspirent les communautés positives !
- Dans le giron du mouvement #MeToo, des remparts contre la haine en ligne semblent s’ériger au coeur des réseaux sociaux. La mobilisation s’organise, à l’instar de l’initiative d’Amnesty International, qui juge laxiste la mise au ban des comportements haineux sur Twitter. L’association dénonçait déjà dans un rapport intitulé « Toxic Twitter » (en savoir plus), les menaces et les insultes qui sont le quotidien de milliers d’internautes, malgré les promesses d’assainissement de la part du réseau social. C’est pourquoi Amnesty International a mis sur pied une « patrouille anti-trolls » qui vise à recenser les tweets néfastes afin de constituer une base de données géante (en savoir plus). L’idée est simple : il s’agit d’accumuler les preuves afin de forcer Twitter à renforcer sa politique de modération.
- Des mobilisations citoyennes émergent spontanément, avant de progressivement se structurer : d’autres initiatives jaillissent directement des internautes. L’association « Féministes contre le cyber-harcèlement » s’est ainsi créée à la base pour aider deux victimes de revenge porn, puis s’est progressivement constituée en bastion militant sur les réseaux sociaux. À la manière du Renard du Net, les jeunes femmes ont lancé le hashtag #TwitterAgainstWomen, libérant une vague de témoignages. Cette « encapacitation » par le biais des hashtags est aussi l’une des armes des communautés LGBTQ. On note par exemple le lancement du #LGBTGlowUp, appelant les personnes à poster des photographies d’elles avant et après leur coming-out pour faire front face aux messages de haine (en savoir plus).
- Aux Etats-Unis, où seulement 38 états ont légiféré sur la question du revenge porn (en savoir plus), on estime qu’un(e) américain(e) sur 25 en a été la cible. Ce constat alarmant est à la base de l’action de la Badass Army, association qui vient en aide aux victimes (en savoir plus). Après avoir vu leurs corps exposés sur un site dédié à cette pratique, deux femmes ont décidé de mettre sur pied un groupe Facebook pour identifier les autres victimes et les contacter. Le groupe a pris de l’ampleur et la conjonction du mouvement #MeToo leur a permis de gagner en légitimité et légitimité. Aujourd’hui, l’association apporte une aide juridique gratuite à plus de 800 personnes aux Etats-Unis, cherche à s’exporter à l’international et pousse les autorités à effectuer des changements dans la législation.
Il apparait donc comme nécessaire de se retrousser les manches pour enrayer la propagande haineuse, laquelle bénéficie d’une mécanique bien huilée et redoutablement efficace. La méthode prônée par Seriously et d’autres acteurs de la société civile tente d’initier cette prise de conscience qui pourrait faciliter l’implication et la responsabilisation individuelle des citoyens. Pour répondre à l’organisation structurée des auteurs de discours haineux, nous mettons l’accent sur l’ampleur et la force de la multitude citoyenne !
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