Publication 6 décembre 2017

Combattre le terrorisme sur internet, avec Marc Hecker

Chercheur au centre des études de sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) et spécialiste du terrorisme

Interview de Marc Hecker, chercheur au centre des études de sécurité de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) et spécialiste du terrorisme.

Quelle position occupe aujourd’hui le numérique dans le terrorisme ? Y a-t- il eu une évolution ?

Internet est utilisé par les organisations terroristes comme un vecteur de propagande, pour diffuser leur idéologie et tenter d’attirer de nouveaux sympathisants. Ces organisations se servent également d’Internet comme d’une véritable plateforme opérationnelle, pour diffuser des grandes orientations stratégiques, mettre en avant certains modes opératoires, recruter ou encore lever des fonds.
Les principales évolutions observées au cours des dernières années montrent que l’utilisation d’Internet par les organisations terroristes évolue en fonction d’une part des évolutions technologiques et, d’autre part, des contre-mesures adoptées par leurs adversaires. Par exemple, les grands réseaux sociaux supprimant de plus en plus de contenus extrémistes, les organisations terroristes tendent à se déployer sur d’autres plateformes, souvent chiffrées.

Quelles sont les principales mesures prises pour combattre le terrorisme sur Internet ?

La lutte contre les contenus terroristes sur Internet revêt essentiellement trois formes.
Tout d’abord, les services de renseignement opèrent un travail de surveillance. Le renseignement peut être judiciarisé et les terroristes sont souvent condamnés sur la base de preuves liées, au moins partiellement, à des pratiques numériques.
Ensuite, la deuxième forme relève du blocage et du déréférencement des contenus illégaux. Les internautes peuvent signaler ces contenus soit directement aux plateformes concernées soit au site www.internet-signalement.gouv.fr. Une évaluation est réalisée et, s’il s’avère effectivement que les contenus sont manifestement illégaux, ils doivent être supprimés. Par ailleurs, les grands acteurs du numérique utilisent de plus en plus l’intelligence artificielle pour supprimer des contenus terroristes de façon pro-active.
Enfin, la troisième forme de lutte consiste à déconstruire la rhétorique des groupes terroristes et à produire un contre-discours ou un discours alternatif.

Quelle place accorder à la pratique du contre-discours en ligne dans la prévention de la radicalisation ?

Le contre-discours est très important en matière de prévention de la radicalisation. Il ne faut pas laisser le champ libre aux organisations terroristes. Sur toutes les plateformes qu’elles utilisent, il faut montrer que leurs arguments sont fallacieux et s’y opposer en utilisant différents registres, y compris l’humour. Un bon contre-discours suppose un bon message, un bon messager et un bon vecteur. Tout le monde a un rôle à jouer : les gouvernements, les grands acteurs du web mais aussi la société civile dans son ensemble !


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