Actualité 8 mars 2016
Le moment est venu de mettre le numérique au chevet de notre démocratie en crise
La pétition contre la réforme du droit du travail a récolté plus d’un million de signatures. Hier le gouvernement annonçait le report de l’examen de cette loi, sans que l’on puisse imaginer que ce million d’engagements n’ait pas pesé dans cette décision. Le succès de cet outil de pétition en ligne impose une réflexion nationale sur l’outillage numérique de notre pays pour renforcer le levier démocratique et l’interface élus-citoyens.
Sur ces questions d’intégration de l’expression directe des citoyens dans la vie publique, plusieurs pas ont déjà été franchis. Les Etats-Unis et l’Union européenne sont équipés depuis plusieurs années déjà d’outils permettant aux citoyens, par une pétition en ligne, d’obliger les gouvernements à envisager la proposition qu’ils formulent. Mais aujourd’hui, l’élan vient surtout des peuples et des myriades d’initiatives numériques qui existent, particulièrement à l’échelle locale, pour redynamiser les piliers de la démocratie.
Face à cette créativité citoyenne qui émane d’en bas, les gouvernements français successifs ont adopté une logique de petits-pas. D’abord l’obligation de concertation des citoyens pour certains projets d’aménagement du territoire, puis, dernier exemple en date, la plateforme participative mise en ligne pour enrichir et amender la loi « République numérique » d’Axelle Lemaire en examen au Parlement. D’une part, ces outils sont largement perfectibles et un travail d’audit, sérieux et transparent, doit être mené sur leur capacité à réunir et faire participer les citoyens dans leur diversité ; de l’autre, une grande réflexion nationale doit être ouverte aujourd’hui, avant les Présidentielles, pour faire du numérique un réel outil de gouvernance démocratique.
Gardons-nous cependant d’une vision naïve et angélique du numérique et de la gouvernance directe. Constater qu’aux Etats-Unis, en 2013, l’outil de pétition en ligne institutionnalisé par Barack Obama, We The People, a imposé au Gouvernement une réponse officielle sur la possibilité de construire une étoile noire, comme dans Star Wars, fait réfléchir sur l’importance de conférer à ces outils un cadre sérieux et contraignant, pour le citoyen également. Autre problème que devront adresser les acteurs de cette réflexion : la participation des citoyens. Un million de signatures aujourd’hui, c’est moins de 4 % des votants aux dernières élections Régionales. Aussi, au-delà de la modernisation de nos leviers démocratiques, il faut trouver les moyens de concerter les citoyens dans leur majorité et leur diversité. Tout n’a pas été fait dans ce domaine, notamment à l’ère du grand tournant numérique.
La réflexion globale sur l’institutionnalisation de ces nouveaux outils démocratiques, que Renaissance Numérique appelle de ses vœux, doit rassembler les associations citoyennes et la sphère politique, et s’inspirer des initiatives de terrain déjà mises en place. Quelle place auront demain les outils numériques au service de la démocratie ? Comment faire pour qu’ils reflètent un engagement citoyen réel et mûri, et non pas un simple formulaire qu’on remplirait en quelques secondes, comme on le fait dix fois par jour sur Internet, sans nécessairement prendre le temps de lire le texte qui le compose ? Par quel mécanisme peut-on s’assurer de la représentativité des voix tout en gardant la fluidité et simplicité des outils démocratiques.
Dans les prochaines semaines, Renaissance Numérique proposera, dans son rapport Le Numérique au chevet de la démocratie, plusieurs mesures pour moderniser la gouvernance démocratique du pays et de ses différentes institutions politiques, allant du parti au vote de la loi. Ce rapport proposera notamment un mécanisme pour doter la France d’un outil de gouvernance citoyenne via un mécanisme de pétitions en ligne.
Sur le même sujet
-
Publication 2 mars 2017
Démocratie : 25 propositions pour un réenchantement numérique
-
Publication 18 avril 2016
Démocratie : mise-à-jour