Actualité 5 février 2025

Gouvernance mondiale de l’IA : passer à l’action avec la société civile

Une tribune signée par des acteurs de la société civile, des universitaires et des experts en amont du sommet de Paris pour l'action sur l'IA

Dans cette tribune, des acteurs de la société civile, des universitaires et des experts du monde entier appellent à une inclusion plus significative dans les efforts de gouvernance mondiale de l'IA et proposent trois mesures concrètes à cet effet. Cet appel à l'action, initié par Renaissance Numérique en amont du Sommet de Paris pour l'Action sur l'IA et qui rassemble aujourd'hui plus de 80 experts de premier plan, reste ouvert aux signatures.

Un Sommet pour l’Action sur l’IA inclusif

Les 10 et 11 février 2025, près de 80 chefs d’État et de nombreux dirigeants d’entreprises du secteur de l’intelligence artificielle (IA) se réuniront au Sommet de Paris pour l’Action sur l’IA. À plusieurs reprises, les organisateurs ont indiqué leur volonté que ce rassemblement soit “aussi inclusif que possible”. À cet effet, certaines organisations de la société civile seront conviées à prendre part au sommet – sans que leur identité et les modalités précises de cette participation ne soient connues à ce jour. Un large échantillon d’acteurs doit pouvoir prendre part aux discussions, y compris des organisations des secteurs de la justice sociale, de la protection de la vie privée et de l’égalité des sexes.

La cinquième roue du carrosse

L’IA modifie en profondeur de nombreux aspects de la vie en société, notamment l’accès à l’information en ligne ou à certains services publics. Il est donc crucial que la pluralité des points de vue des acteurs qui composent la société, avec leurs différences culturelles, sociales, et éthiques, et leurs divers enjeux économiques et géopolitiques, soit représentée. Or, trop souvent, la mobilisation de la société civile ne dépasse pas le stade de la consultation. Trop souvent, sa voix n’est écoutée qu’une fois les décisions prises.

La consultation publique organisée en amont du sommet a démontré une fois de plus l’intérêt d’associer la société civile aux efforts de gouvernance mondiale de l’IA. La définition du bien commun à l’ère de l’intelligence artificielle exige la participation de tous les pans de la société et la représentation des différents intérêts en jeu, en complément de ceux des acteurs privés et étatiques. Pour que cette participation soit suivie d’effets, il est urgent d’assurer aux organisations non gouvernementales une place permanente autour de la table.

Une légitimité équivalente aux autres parties prenantes

La société civile constitue un interlocuteur de premier plan, qui permet de questionner les objectifs et les revendications d’acteurs défendant leurs propres intérêts. Dans le cas de la gouvernance de l’IA, elle apporte une expertise spécifique et une perspective indispensable, notamment à trois niveaux.

Premièrement, elle joue un rôle de lanceur d’alerte. Elle sensibilise et interpelle sur des enjeux primordiaux qui, en son absence, seraient passés sous silence : respect des droits et libertés fondamentaux, biais entraînant des discriminations contre des minorités ou populations déjà fragilisées, effets des algorithmes de recommandation “addictifs” sur la santé mentale des jeunes. Deuxièmement, elle contribue à définir des méthodes pour évaluer ces enjeux et concevoir des solutions, dans l’intérêt général, et mène des enquêtes approfondies en s’appuyant sur des enseignements tirés d’autres secteurs. Dernier point, et non des moindres, elle apporte une expertise du point de vue des droits humains et de l’éthique, ainsi qu’une expertise technique.

Les risques que pose l’IA et qui ont suscité des efforts sans précédent de régulation au plan international concernent avant tout les droits humains. Toute mesure prise à cet égard dans la louable intention de trouver des solutions, mais sans consulter les représentants de la société civile, risquerait fort de manquer son objectif.

Notre appel à l’action

Dans le domaine de la gouvernance de l’IA comme dans de nombreux autres domaines, les financements limités, les processus de sélection opaques et les risques d’instrumentalisation fragilisent la capacité de la société civile à participer efficacement. En amont du Sommet, nous demandons aux organisateurs de mettre en œuvre d’urgence trois mesures concrètes pour renforcer et faciliter l’implication de la société civile dans la gouvernance de l’IA, pendant et surtout après le sommet :

  • 1 – Encourager des processus de sélection plus ouverts et transparents
    Clarifier et ouvrir les processus de sélection des organisations de la société civile dans les groupes d’experts (dans les instances de standardisation, auprès de la Commission européenne, etc.) et les rendre publics est essentiel pour garantir une représentation équitable et rétablir la confiance. Les opportunités de participation de la société civile devraient également être élargies : nous recommandons d’ouvrir ces espaces de participation organisés par des autorités publiques ou acteurs privés à un spectre plus large d’organisations, au-delà des plus reconnues.
  • 2 – Imposer un devoir de réponse aux contributions
    Il n’existe souvent aucun mécanisme garantissant que les contributions répondant à des sollicitations soient réellement prises en compte. Nous attendons des participants au Sommet qu’ils encouragent l’instauration de mécanismes clairs pour rendre compte de l’intégration des retours de la société civile dans les politiques et pratiques de gouvernance liées à l’IA.
  • 3 – Faciliter le financement
    De nombreuses organisations de la société civile disposent de ressources extrêmement limitées. La mise en place de fonds dédiés ou de processus favorisant leur financement, leur permettrait de contribuer de manière efficace et durable aux efforts de gouvernance de l’IA.

Se contenter de consulter la société civile de manière superficielle ou de valoriser sa présence au travers d’opérations médiatiques ne suffit plus. Il est grand temps d’accorder aux organisations de la société civile une place à part entière et pérenne autour de la table, afin d’en faire des partenaires de premier plan dans l’élaboration de politiques ou de lignes directrices, ainsi que dans les processus d’ajustement des outils d’IA. Le Sommet de Paris offre justement l’opportunité d’engager un rééquilibrage des pouvoirs entre l’ensemble des acteurs qui doivent avoir voix au chapitre de la gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle. Ne ratons pas cette opportunité.


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Liste des signataires

  • Jessica Galissaire, Studies Manager, Renaissance Numérique
  • Rémy Gerbet, Executive Director, Wikimedia France
  • Justine Atlan, Executive Director, Association e-Enfance/3018
  • Gary Marcus, Professor Emeritus, New York University
  • Sarah Andrew, Legal and Campaign Director, Avaaz 
  • Anna Wohlfarth, Executive Director, interface
  • Vanja Skoric, Program Director, European Center for Not-For-Profit Law
  • Karine Caunes, Executive Director, Digihumanism – Centre for AI and Digital Humanism
  • Matthias Spielkamp, Executive Director, AlgorithmWatch
  • Gbenga Sesan, Executive Director, Paradigm Initiative
  • Mariana Rielli, Director, Data Privacy Brasil
  • Nicolas Chagny, President, Internet Society (ISOC) France
  • Karine Gentelet, Scientific Director, in charge of Relationships with Civil Society, OBVIA
  • Angela Mueller, Executive Director, AlgorithmWatch CH
  • Jeni Tennison, Executive Director, Connected by Data
  • Jean-François Lucas, General Manager, Renaissance Numérique
  • Mélusine Blondel, Co-Director, La Mednum
  • Jann Büscher, Co-Director, La Mednum
  • David Evan Harris, Chancellor’s Public Scholar, University of California, Berkeley
  • Valérie Fernandez, Professor & RD-ID Chair, Télécom Paris
  • Damien Jacob, Guest Lecturer, ULiege
  • Stephen Russel, Director General, ANEC (The European consumer voice in standardisation)
  • Alice Stollmeyer, Founder & Executive Director, Defend Democracy
  • Anna Obem, Managing Director, Panoptykon Foundation
  • Tania Duarte, Founder, We and AI
  • Rachel Coldicutt OBE, Executive Director, Careful Trouble
  • Kim Thompson, Founder, United We Rise UK
  • Kyle Taylor, Founder, Fair Vote UK
  • Ryan Carrier, Executive Director, ForHumanity
  • Ben Stewart, Founder/Managing Director, Caution Your Blast Ltd.
  • Maxime Fournes, Co-Founder, Engineer and AI Researcher, PauseIA
  • Irénée Régnauld, Associate Researcher, COSTECH (Connaissance, organisation et systèmes techniques) Lab, Université de Technologie de Compiègne
  • Dr Nora Ni Loideain, Director, Information Law & Policy Centre, Institute of Advanced Legal Studies, University of London
  • Yonah Welker, EU Commission projects evaluator, rapporteur, prev. tech envoy, ministry of AI advisor
  • Martin Parker, Professor of organization studies, University of Bristol Business School
  • Anthony Masure, Associate Professor, Haute école d’art et design de Genève (HEAD, HES-SO)
  • Sara (Meg) Davis, Professor, Centre for Interdisciplinary Methodologies, University of Warwick
  • Simon Buckingham Shum, Professor of Learning Informatics, University of Technology Sydney
  • Mike Podmore, CEO, STOPAIDS
  • Maria Farrell, Writer and Speaker
  • Peter Flach, Professor of Artificial Intelligence, University of Bristol
  • Luke Stark, Assistant Professor, Faculty of Information & Media Studies (FIMS), Western University, London, Ontario
  • Yaniv Benhamou, Professor, Lawyer, IT Law, Digital Law Center, Université de Genève
  • Nargisse Marine, Ingénieur en informatique
  • Roxana Rugina, directrice exécutive, Impact AI
  • Lynn Berry, concepteur pédagogique, ANU
  • Lionel Scheepmans, maître de conférences en anthropologie numérique, UC Louvain
  • Sorcha Hylan, Gestion du développement des affaires, TU Dublin
  • Antoinette Rouvroy, professeure de recherche, Université de Namur/FNRS
  • Jason Tucker, chercheur, Institute for Future Studies
  • Edouard Noury
  • Francesca Bosco, Directrice de la stratégie, Institut CyberPeace
  • Kęstutis Kupšys, vice-président, Lithuanian Consumers Alliance
  • Norman Meyer, greffier à la retraite, CourtLeader
  • Paloma De Araujo, juriste en charge de la conformité, Allianz Technology Germany
  • Ismael Kherroubi Garcia, Fondateur et PDG, Kairoi
  • Mona Skriver, étudiante en Msc. Data Science
  • Gry Hasselbalch, cofondateur, DataEthics.eu
  • Dagmar Monett, professeur d’informatique, École d’économie et de droit de Berlin
  • Máirín Murray, PDG, TechFoundHer
  • Angelika Sharygina, fondatrice et chercheuse en IA, Mindshld AI et Trinity College Dublin
  • Todd Davies, doctorant en droit, candidatUniversity College London
  • Francesca Palmiotto, professeur adjoint de droit, IE University
  • Kate Arthur, auteur
  • Jeff De Cagna, conseiller exécutif, Foresight LLC
  • Roberto López-Dávila
  • Ashkan Alinaghian, analyste de la politique de l’IA, Université de Turin
  • Andrej Kristan, professeur associé, université de Gênes
  • Ben Kereopa-Yorke, étudiant de troisième cycle, UNSW Canberra
  • Truly Capell
  • Antonette Shibani, maître de conférences, Université de technologie de Sydney
  • Jerzy Stefanowski, professeur d’apprentissage automatique et d’exploration de données, Université de Poznan
  • Mathilde Forslund, directrice exécutive, Transform Health
  • Luisa Franco Machado, fondatrice et directrice exécutive, Equilabs
  • David Wood, London Futurists, président
  • Fabienne Rafidiharinirina, Fondatrice/Gestionnaire, Madagascar Initiatives for Digital Innovation
  • Stéphane Nepton, Médiateur numérique Premières Nations, Indépendant
  • Andréane Sabourin Laflamme, Professeur de philosophie/éthique, Collège André-Laurendeau
  • Robert Whitfiled, Président, One World Trust
  • Alexei Lakhov, Directeur exécutif, Réseau européen des personnes usagères de drogues
  • AHM Bazlur Rhaman, directeur général du réseau des ONG du Bangladesh pour la radio et la communication
  • Omid Zamani, membre de l’Association iranienne de sociologie
  • Indira Dewi Kantania, Associée de recherche
  • Meg Davis, professeur de santé numérique et de droits, Université de Warwick
  • Ruben Narzul, consultant indépendant, politique numérique de l’UE
  • Adrien Tallent, doctorant en philosophie de l’IA, Sorbonne Université
  • Sarah Rémy, cheffe d’entreprise, Effervescence
  • Claire de Montesquiou, trésorière, e-Enfance/3018
  • Michael Strange, AI Politics Hub, Malmö University

 

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