Actualité 8 avril 2015
« Contre discours »
Si Internet est devenu un outil de communication au service de toutes les causes, les pires comme les meilleures, les dernières attaques terroristes en Europe ne se sont pas faites « avec » ou « sur » Internet. Ni dans la radicalisation des criminels, ni dans le recrutement des terroristes.
La mobilisation citoyenne du 11 janvier, quant à elle, s’est faite grâce à Internet et aux réseaux sociaux. C’est autour du hashtag #JeSuisCharlie et derrière ce logo créé par un citoyen « anonyme » qui a souhaité le diffuser sans le commercialiser ni en réclamer la paternité, que les mouvement de solidarité se sont organisés.
Malgré ces deux réalités, Internet ne cesse depuis ces dernières années d’être accusé par les décideurs politiques d’être le vecteur de tous les maux de notre délitement social : propagation de propos haineux, défiance vis-à-vis de la parole politique et médiatique, recrudescence des théories complotistes, canaux de recrutement pour réseaux terroristes…
Les actions répressives comme le blocage des sites, ou le fait de considérer Internet comme circonstance aggravante à tout auteur de propos haineux, sont présentés comme des solutions par des hommes politiques démunis face à la perte de nos repères républicains.
Nombreux sont les universitaires, les associations défenseurs des droits, les autorités administratives indépendantes, qui, pourtant, affirment que ces restrictions policières sont contre productives, inefficaces, voire qu’elles attisent la haine qu’elles cherchent pourtant à faire taire.
Les mesures de censure sur Internet terminent de couper les liens sociaux et confortent les auteurs de ces propos haineux dans leur conviction que la parole est inégalement distribuée dans notre société. Enfin, elles relèguent ces concitoyens vers les bas-fonds de l’Internet, des connexions cachées où les circuits illégaux prolifèrent.
Rendre à Internet sa fonction première : échanger, s’exprimer, rencontrer
Plutôt que de tenir Internet comme responsable de ces propos, un peu comme on voulait supprimer le micro d’un tribun pensant alors qu’il cessera de parler, utilisons le canal d’expression que permet le réseau pour recréer du lien avec ceux qui diffusent les propos haineux. Avec eux, établissons le dialogue, dépassionnons le débat et apportons des faits avérés vérifiables et objectifs.
Aujourd’hui, qui pour répondre à ces provocations haineuses sur les réseaux sociaux ? Les militants anti-racistes, qui eux risquent de répondre avec véhémence tant la violence des propos incarne la cause première de leur combat ? L’État, dont l’autorité est pourtant de moins en moins établie ?
Pour désamorcer les propos haineux, chez Renaissance Numérique, nous proposons de recréer le dialogue avec une équipe de volontaires prêt à engager la discussion et proposer des arguments.
Susan Benesch, professeur au Berkman Klein Center de l’Université de Harvard, a prouvé dans ses recherches que le contre-discours porté par des individus autonomes est le moyen le plus efficace de contrer les discours haineux et constitue une méthode sur le long terme pour arrêter la propagation de la haine. C’est dans cette logique que nous souhaitons nous inscrire.
Une plateforme citoyenne de contre-discours
Pour ce faire, Renaissance Numérique souhaite mettre en place une plateforme aux diverses fonctionnalités qui permettrait d’une part de signaler un propos choquant parce que raciste, antisémite ou islamophobe, et de l’autre d’alerter en temps réel un volontaire prêt à engager le dialogue avec l’auteur des propos signalés.
Parce qu’on ne trouve pas toujours les mots pour sortir d’une logique militante et entrer dans un dialogue citoyen, nous proposons que cette plateforme soit alimentée en contenus de factchecking, qui permettraient par exemple de répondre aux théories complotistes, ou nourrie par des conseils de psychologues ou sociologues à même les mots pour apaiser les échanges.
Techniquement, cette plateforme ne présente aucune difficulté à mettre en place. Aujourd’hui, nous sommes à la recherche de soutiens parmi les acteurs politiques et les associations de terrain, qui sauront être le trait d’union entre l’échange virtuel et la rencontre physique, pour poursuivre le travail d’accompagnement et de recréation d’un lien qui se brise. Au 3 avril, cette plateforme est en cours de formalisation avec des associations de terrain et des acteurs du numériques.
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Publication 10 juillet 2017
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