Actualité 27 mars 2014
49ème congrès de l’ICANN : la gouvernance de l’Internet en transition
Cette annonce avait en effet provoqué une vive controverse aux États-Unis et suscité de nombreux commentaires tronqués ou biaisés dans les médias, dont le plus répandu était celui d’une mainmise des gouvernements, incluant ceux des Etats répressifs, sur l’Internet, aux dépens de la liberté d’expression.
A ce stade, aucune modification de l’architecture de gouvernance de l’Internet n’a été dessinée ni décidée. La seule résolution partagée est celle d’ouvrir une phase de transition, qui durera sans doute au moins dix-huit mois. La solution ne sera pas gouvernementale, mais visera à confier à l’ICANN le pilotage direct de la racine de l’internet, aujourd’hui cogéré avec le gouvernement américain. Cette approche conforte la position de l’ICANN et son approche multi-acteurs, qui consistent à prendre des décisions consensuelles en y associant Etats, experts techniques, entreprises et société civile.
Le contrôle en jeu concerne le fichier racine de l’Internet. De quoi s’agit-il ? D’un fichier texte de 454 kilo-octets répertoriant tous les domaines de premier niveau (ou TLD) qui sont utilisés sur l’Internet aujourd’hui (comme .com, .uk et bientôt .archi). La gestion de ce fichier racine confère à son détenteur un pouvoir économique et moral. Pouvoir économique car la création de nouvelles extensions permet de générer de nouvelles richesses et de nouveaux actifs numériques. Pouvoir moral car l’ICANN édicte les normes relatives à l’usage des extensions et des noms de domaine.
Aujourd’hui, le pouvoir législatif de l’ICANN est porté par son conseil d’administration, le staff de l’ICANN exerçant la fonction exécutive. En théorie et selon de nombreuses règles de gouvernance de l’ICANN, le conseil n’est censé qu’approuver les décisions de consensus de la communauté, et le staff se limite à exécuter les décisions du conseil. Dans la pratique, le conseil tend à devenir autonome et prendre des décisions qui n’ont pas leur origine dans le processus d’élaboration multi-acteurs. Par ailleurs ce même conseil n’est pas redevable devant un quelconque organe représentatif ou souverain. Quant à sa légitimité, elle est assise sur une base trop étroite, accentuant le risque de dérive autocratique. Pour caricaturer, l’ICANN c’est aujourd’hui la Vème République, sans le Conseil constitutionnel et sans l’élection au suffrage universel. Il est donc urgent d’optimiser le fonctionnement multi-acteurs de l’ICANN et le rendre plus démocratique, d’une part en renforçant la représentativité du conseil de l’ICANN, d’autre part en créant des contre-pouvoirs à cet organe. Avant de penser à changer la gouvernance de l’Internet, la priorité porte sur la gouvernance de l’ICANN elle-même.
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