Publication 13 juin 2018

Course à l’efficacité et à la transparence en ligne

Alors que les réseaux sociaux ont récemment renforcé leur politique de modération des contenus (1), les institutions françaises et européennes continuent d’accentuer la pression en lançant deux consultations publiques pour recueillir l’opinion du plus grand nombre sur ce sujet important qu’est la lutte contre les contenus de haine en ligne (2).

1. Les plateformes du numérique renforcent leur politique de modération des contenus.

  • Facebook publie ses règles de modération et souhaite ouvrir le débat. Le 24 avril dernier, Facebook a rendu publiques ses nouvelles règles de modération internes. Cette publication manifeste la volonté du réseau social  « d’être de plus en plus transparent » en la matière. Si tous les détails n’ont pas été présentés afin « d’empêcher des gens de contourner le système« , Facebook a souhaité mettre en lumière certaines de ces règles. On y apprend que l’entreprise reconnait désormais officiellement « les groupes vulnérables » pour qu’ils « disposent de protections supplémentaires » ou encore qu’il est désormais possible de contester une publication qui aurait été supprimée par les modérateurs en vue d’une nouvelle analyse dans les 24h (En savoir plus). Facebook rappelle que ces règles ne sont pas gravées dans le marbre et souhaite ainsi planifier plusieurs événements à travers le monde afin d’ouvrir le débat. C’est ainsi que le 15 mai dernier, Facebook a organisé son premier « Content Summit » à Paris, avec la présence de Monika Bickert, Directrice de la politique des contenus (En savoir plus).
  • YouTube mise aussi sur la transparence en publiant un rapport trimestriel. De la même façon que Facebook, YouTube entend jouer la carte de la transparence pour sa modération. Le 23 avril dernier, la plateforme de vidéos en ligne a publié pour la première fois « un rapport trimestriel » concernant sa politiue de retrait des contenus. L’entreprise souhaite ainsi faire une « mise à jour régulière » pour « montrer ses progrès« . Ce premier rapport évoque que YouTube a supprimé plus de 8 millions de vidéos non conformes à ses règles, dont 6,7 millions ont été signalées par des machines. YouTube précise pour ces dernières que « 76 % ont été retirées avant [même] d’avoir comptabilisé une seule vue« . Transparence également, car l’entreprise américaine a annoncé la mise en place d’un « tableau de bord » afin que l’auteur de signalement puissent suivre l’évolution du « statut des vidéos qu’il a préalablement signalées » (En savoir plus).
  • Twitter propose une nouvelle fonctionnalité pour masquer les commentaires des trolls. Le 15 mai dernier, Twitter a annoncé la mise à jour de son algorithme afin de « masquer par défaut » les commentaires émanant de « trolls ». L’utilisateur gardera en revanche la main sur cette affichage, puisqu’il pourra de lui même « afficher plus de réponses« . Il est également intéressant de constater que l’entreprise n’évoque ni la censure, ni la suppression de comptes et n’adresse pas le problème sous le prisme de la qualification des propos. Le réseau social souhaite en effet s’attaquer à ceux qui « déforment et nuisent à la conversation publique ». Comment ? En analysant « des milliers de facteurs comportementaux », comme le fait qu’un compte n’a pas confirmé son adresse mail ou qu’une personne s’inscrit sur plusieurs comptes simultanément ou suggère des attaques coordonnées. Un vaste chantier s’annonce donc. Bien que le système ne soit pas encore parfait et présentera forcément « des erreurs« , Twitter dit observer une baisse des abus et entend poursuivre en ce sens (En savoir plus).
  • Snapchat signe le code de conduite européen. Snapchat est la septième grande plateforme en ligne à s’engager dans la démarche d’auto-régulation proposée par la Commission européenne afin de lutter contre les manifestations haineuses en ligne. Rappelons que ce code de conduite, lancé en mai 2016, exige notamment que ces acteurs « examinent la majorité des signalements valides en moins de 24 heures », « intensifient la coopération avec d’autres plateformes » ou encore « informent leurs utilisateurs et les sensibilisent aux types de contenus qui ne sont pas autorisés » (En savoir plus).

Cette course à l’efficacité et à la transparence, qui s’accélère depuis quelques mois, semble être une conséquence de la pression imposée par les institutions françaises et européennes. En effet, après l’Allemagne, les institutions françaises et européennes réfléchissent à améliorer les dispositifs, notamment légaux, en prenant notamment le pouls des experts et du grand public sur le sujet.

2. Les institutions françaises et européennes lancent deux consultations publiques.

  • #StopLaHaineSurInternet, la France lance une consultation publique, accompagnée d’une vidéo de sensibilisation. Dans la continuité de la présentation du plan national 2018-2020 pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT et de la mission confiée à Laetitia Avia, Karim Amellal et Gil Taïeb sur le renouvellement du cadre juridique, la France entend faire bouger les lignes en matière de régulation des contenus de haine sur Internet. En effet, afin que « chacune et chacun puisse faire des propositions, émettre un avis et soumettre des contributions« , le Gouvernement vient de lancer une consultation publique autour de ces enjeux. Afin d’alerter le plus grand nombre sur cette problématique majeure, une vidéo de sensibilisation, un brin provocatrice, accompagne cette consultation. L’objectif étant d’interpeller le public sur une question simple : « nous ne tolérons pas la haine dans la rue, pourquoi devrions-nous la laisser prospérer sur Internet ? ». Le ton est donné, à vous de contribuer !
  • La Commission européenne lance également une consultation publique. Après une premièrecommunication en septembre 2017, puis une recommandation en mars 2018, la Commission européenne lance désormais une consultation publique autour « des mesures visant à renforcer l’efficacité de la lutte contre les contenus illicites en ligne« . Dans ce cadre, la Commission cherche notamment « à recueillir les points de vue de toutes les parties concernées » (utilisateurs, hébergeurs, associations, etc.). La Commission indique qu’elle analysera, dans un premier temps, « l’efficacité des mesures » et étudiera, dans un second temps, « d’autres mesures visant à améliorer l’efficacité » des dispositifs d’ici la fin de l’année 2018. En attendant, vous avez jusqu’au 25 juin 2018 pour contribuer (Accéder à la consultation publique) !

Pour conclure, mentionnons le documentaire allemand The Cleaners, sorti en salle le 17 mai, qui se veut une véritable immersion dans le quotidien des modérateurs sur les réseaux sociaux. Ce documentaire souhaite amener une réflexion collective sur ce métier à la tâche ô combien difficile. Ce film sera diffusé le 17 juillet prochain sur Arte (Voir la bande annonce).


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